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Concours d'écriture (2nd Prize) - Precious Lord, Take My Hand

Precious Lord, Take My Hand

Inspired by the song "Precious Lord, Take My Hand", sung by James Baldwin, written by Thomas Dorsey



Hier, j'étais content, aujourd’hui je me demande comment car demain l’aube va jeter la lumière sur toutes les ombres, demain on me réduira à la poussière.


Naître dans les immondices postcoloniales, c’est vivre dans une maison construite sur un ancien cimetière amérindien.


Dans cette maison, on ne savait pas pourquoi certains mots acquéraient des réverbérations sismiques qui ébranlaient les murs de l'édifice, dans cette maison damnée on marchait sur les cadavres, on ne pouvait jamais mettre un pied sans piétiner sur un visage, dans cette maison foutue les grondements pyroclastiques de leurs squelettes n'épargnaient rien. Leurs esprits entraient dans nos corps pour broyer ce monde avec leur violence inouïe, ne voulant que leur humiliation, leur douleur soient oubliées, étouffées par cette distance de l’espace et du temps. On nageait dans l’acide invisible du mythe de la couleur dans cette maison maudite, dans cette maison qui empeste le « Fair and Lovely », le « Whitenicious », on vivait en alternance permanente entre le délire délicieux du Bois Caïman et les discours déplorables des anciens collaborateurs coloniaux.


Voilà la réalité que j'ai têtée avec le lait. Cette maison ne m’a octroyé que des principes cruels pour rendre la vie cohérente, cette maison a envenimé toutes les relations qui la rendent douce. Aujourd’hui, il ne me reste aucune certitude, aucune valeur, aucune personne qui me tiendra la main. Je suis fatigué. Je suis faible. Demain va me réduire à la poussière. On parle de remanier la maison mais que faire du cimetière?


12600 cris de provenance diverse se ruent vers mon pays pour éviscérer la brise du soir. Torturé par l’insomnie, j’entends des hommes d’affaires de Bombay, de Calcutta, de Madras assis dans les hauteurs insolentes des anciens clubs de colons gardés toujours par les panneaux « Whites Only ». Je les entends s’agenouiller vers l’Ouest, ils se jettent vers le ciel comme des naufragés pour faire leur prière épouvantable au Dieu colonial, au Dieu tout-puissant; s’y entremêlent les agonies des familles, familles dynamitées par cette notion de couleur, dynamitées par cette violence, dynamitées par ces atours que cet homme à la barbe blanche nous inflige.


Le soleil se lève, la nature se réveille. Les sifflements menaçants de la mer, les gémissements assourdissants des redoutables montagnes, ce chant d’oiseau lancinant s’alchimisent dans les étincelles de mon épiderme pour faire rejaillir la même question cuisante que m’ont posée tous les aubes jusqu’ici : « à qui appartient ce gamin ? »


Mais à vous, bien sûr.



Text written and read by Anantha Anilkumar (University of St Andrews)

A5 Booklet by Elia Ballesteros








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