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Cinéma : un film de Lucas Belvaux, 38 témoins


Voici un fait divers qui n’a pas manqué d’interroger auteurs et réalisateurs en raison de l’épouvante qu’il suscite. A New-York, une jeune femme est assassinée dans la plus grande violence, ses cris ont déchiré la nuit. Pourtant, les résidents du quartier qui ont fatalement entendu les appels désespérés de la victime ne sont pas intervenus.


Didier Decoin avait écrit un roman effrayant de cruauté sur le thème (Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, Grasset, 2009). L’adaptation de Lucas Belvaux présente une approche différente où la gravité l’emporte. Gravité, mais aussi effet glaçant pour exprimer « la banalité du mal » aux accents intemporels. Le récit a été transposé au Havre, dont la reconstruction d’après-guerre sous la direction d’Auguste Perret , exploite la grisaille du béton et les avenues à angles droits. Lucas Belvaux, en adepte du nord industriel, s’attarde sur de longs plans des entrepôts de la marine marchande. C’est en effet le domaine de Pierre, un ingénieur et pilote de bateau, le personnage central du film (incarné par Yvan Attal). Ici encore, la forêt d’immenses containers aux formes cubiques accentue l’atmosphère de froideur métallique. Les bruits du port, si particuliers, comblent inlassablement l’espace.




Dans le quartier où résident Pierre et sa compagne Louise, la vie reprend son cours. Le drame qui s’est joué à certes remué les esprits, un mémorial est installé sur le lieu du crime où l’on peut se recueillir. Pourtant, l’enquête de police n’avance guère car chacun feint d’ignorer ce qu’il a entendu à défaut d’avoir vu. L’angoisse est cependant palpable. De retour d’un voyage de travail, Louise ne reconnaît plus Pierre, prostré, rongé par l’insomnie. Figé dans son bel appartement aux immenses baies vitrées, le couple ne retrouve plus ses repères. Pierre ne peut communiquer l’indicible. Il faudra la fronde d’une journaliste locale (Nicole Garcia, formidable de gouaille et de vivacité), pour l’aider à se comprendre lui-même, à refuser la spirale du déni. Ce long cheminement aboutit à la scène de reconstitution de la police, comme une explosion finale dans un univers glacial.


Les formidables performances des acteurs, en particulier d’Yvan Attal, poignant de détresse, donnent toute sa force à cette réflexion sur la nature des relations humaines .Le cinéma de Lucas Belvaux, s’inspirant de quelques individus pour atteindre l’universel, est ici porté au sommet. L’approche lente du sujet écarte peu à peu l’idée du thriller criminel pour aboutir à la problématique d’ensemble : « L’homme est un loup pour l’homme ».




A true story which influenced many directors and authors. In New York, a young woman was brutally murdered, yet all neighbourhood residents failed to intervene despite having heard her desperate cries for help.


Lucas Belvaux’s film 38 témoins was based on Didier Decoin’s novel Est-ce ainsi que les femmes meurent ? (published by Grasset in 2009). However Belvaux’s film takes a slightly different approach, focusing on the chilling and grave subject of the banality of evil. The story takes place in Le Havre, a cold city with long, right-angled avenues built in dull grey tones. The industrialization of the city is reinforced by countless shots of the marine warehouses where Pierre (Yvan Attal), the protagonist, works in a forest of metallic containers, accentuating the icy atmosphere. The peculiar noises of the harbour make for an invasive soundtrack.


Life goes on in Pierre and his partner Louise’s neighbourhood. The traumatic event that took place meters away has certainly stirred the residents, and a temporary memorial is set up in remembrance of the victim. However, the police investigation remains fruitless as the 38 witnesses feign ignorance and relentlessly claim to have seen and heard nothing. Louise returns from a business trip to find that her husband Pierre, ravaged by insomnia, is completely unrecognizable. He refuses to recognize his feelings of guilt, until a determined journalist (Nicole Garcia) conducting her own investigation helps Pierre to come to terms with himself, steering him away from a downwards spiral of denial. Tensions continue to rise until the police finally solve the case, resulting in an explosive finale.


The formidable performances given by the main actors (Yvan Attal in particular) are poignant, accurately representing the distress and internal conflict experienced by the protagonists. This allows for a deep and intriguing reflection on the nature of human relationships and ego-centricity.


© Article par Catherine Guiat

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