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Cinéma: François Truffaut, L’enfant sauvage, 1969

L’enfant sauvage est certainement un film à part dans l’œuvre de François Truffaut et dans la production cinématographique de l’époque. Le sujet pourtant était d’actualité puisque le sociologue Lucien Malson venait de faire paraître son étude sur Les enfants sauvages (1964) qui d’emblée connut un immense succès. François Truffaut est d’autant plus intéressé par cet essai que le thème de l’enfance en détresse ne lui est pas indifférent. Déjà, dans Les 400 coups, film largement autobiographique, il en avait exploré certains aspects. Et si le film avait pu paraître comme un règlement de compte familial de la part d’un jeune cinéaste insoumis, ce n’est pas tant par les faits eux-mêmes (il n’est nullement question d’enfance maltraitée) que par l’extrême mélancolie qui s’en dégage. Cette atmosphère de tristesse, on la retrouve dans L’enfant sauvage.


L’intrigue repose donc sur cette étude concernant les enfants qui, en raison de leur isolement, n’ont pas développé les éléments essentiels de la communication et du langage. Le cas particulier évoqué est celui du jeune Victor de l’Aveyron, enfant d’une dizaine d’années qui a été trouvé au fin fond d’une forêt en 1797. Cet enfant avait de toute évidence été abandonné par ses parents à un très jeune âge. Demeuré seul, Il n’avait pas acquis le langage, survivant de cueillette. La faculté se divise rapidement sur ce cas étrange. Pour les uns, cet enfant est un idiot dont ses parents n’ont pas voulu. Pour d’autres au contraire, son incapacité à communiquer avec autrui serait une conséquence de son isolement. Un jeune praticien, spécialiste des enfants sourds-muets, le docteur Itard décide de le prendre sous son aile afin de l’éveiller au langage et à l’interaction sociale.


François Truffaut, qui parrainait diverses associations de soutien à l’enfance en difficulté et qui avait déjà interpelé les pouvoirs publics à plusieurs reprises, entreprend de porter ce cas à l’écran. Après avoir consolidé son scénario de nombreuses études sur les enfants sourds-muets ou autistes, il se lance dans la réalisation. Ses impératifs cinématographiques inquiètent ses producteurs : il souhaite un film en noir et blanc et sans vedette. De plus, la narration sera soutenue par une voix off (celle de Truffaut lui-même ; très rapide et sans intonation). Autant dire, tous les ingrédients d’un échec commercial.


Le parti pris du noir et blanc tout d’abord : Truffaut fait appel à Nestor Almendros dont il avait apprécié le travail sur l’image effectué pour Rohmer. Les prises de vue d’Almendros font une large place à une lumière claire et simple. Le travail sur le grain de l’image est très esthétique. Il utilise la fermeture de l’iris de la caméra afin d’obtenir les fondus de fin de séquence, technique typique du cinéma muet.


Le choix des acteurs ensuite : Truffaut, passionné par les études sur la pédagogie, se réserve le rôle du docteur Itard. Mais d’une certaine manière, c’est un second rôle. C’est l’enfant qui occupe l’espace. L’enfant retenu pour ce rôle exigeant est un jeune gitan de 12 ans, Jean-Pierre Cargol. Truffaut, dirigeant le film de l’intérieur aura tout lieu de se féliciter de ce choix tant Jean-Pierre Cargol exprime magnifiquement par les gestes et expressions les épreuves que traverse Victor, cet enfant devenu objet d’étude.


La progression du film captive le spectateur : Le jeune Victor accède peu à peu à la connaissance, par paliers, parfois heureux de ses réussites, laissant exploser sa rage à d’autres moments. Quant à Truffaut, il excelle dans son rôle d’homme solitaire, travailleur acharné, exigeant vis-à-vis de lui-même et des autres. En tant que médecin il tire une grande fierté de ses résultats scientifiques, mais c’est aussi un homme qui laisse exprimer sa tendresse naissante à l’égard de cet enfant.


Un très beau film, qui défiant les sombres prédictions, connut un grand succès à sa sortie en 1969. Un film encore une fois très mélancolique car on ne peut se détacher de la question de l’avenir qui sera réservé à l’enfant.


NB : Une très belle lecture à ajouter sur le sujet : la version de l’auteur américain T.C. Boyle ,Wild Child, 2010, parue en traduction française sous le titre de L’Enfant sauvage en 2011.




Francois Truffaut’s L’enfant sauvage certainly stood apart from the rest of his filmography and cinema production in general at the time of its release; despite the relevancy of the topic due to the recently published study by sociologist Lucien Malson on feral children, which was hugely successful. The theme of distressed children was of great interest to Truffaut, as he had already explored aspects of this in his first film Les 400 coups, which was heavily based off of his own childhood. The same feelings of melancholy and sadness are present in L’enfant sauvage.


The film focuses on a child who, due to extreme isolation, has been unable to develop essential skills such as communication and cognisant speech. Victor, aged around 10 years old, was found in the middle of a forest in 1797. He had evidently been abandoned by his parents at a very young age, and had survived on his own for a number of years. Victor quickly created a divide amongst medical professionals. For some, he was an idiot who had been abandoned by his parents; however others believed that his inability to communicate was caused solely by the isolation in which he had lived for so long. Doctor Itard, a young practitioner specialising in deaf and mute children, decides to take Victor under his wing in an attempt to introduce him to language and social interaction.


Truffaut’s ideas for the film greatly worried his producers. He wanted the movie to be shot in black and white, and decided not to cast any celebrities. Furthermore, the story would be narrated off screen. In summary, Truffaut had assembled all of the ingredients for a commercial failure.


Truffaut, who was fascinated by pedagogical studies, casts himself as Doctor Itard. The very demanding role of the child was given to 12-year-old Jean-Pierre Cargol, who makes magnificent use of facial expressions and actions to convey Victor’s struggle and the obstacles he faces as the object of a study. The progression of the characters throughout the story captivates the audience. Victor’s gradual introduction to education leads him to feel joy at his successes, but creates a build-up of frustration and rage towards the unfamiliar environment in which he has been placed unwillingly; and Itard, whose pride regarding his scientific achievements as a doctor is slowly replaced by a blooming, almost paternal love towards his patient. A beautiful film which conveys a certain melancholy as the future of the child remains unknown.


© Article par Catherine Guiat

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