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Cinéma : Claude Chabrol, La cérémonie 1995

Pour passer une bonne soirée, quoi de mieux qu’un bon Chabrol. Il faut dire, on a l’embarras du choix : de ses débuts comme réalisateur en 1958 jusqu’à sa mort en 2010, on lui doit près d’un film par an. Touchant principalement au domaine politique et au thriller, son inspiration ne s’est pas émoussée au long des années, portée en cela par de grands acteurs et surtout de grandes actrices (Stéphane Audran puis Isabelle Huppert en particulier). Pour beaucoup, il atteint le sommet en 1995 avec La cérémonie.


Libre adaptation d’un roman de Ruth Rendell, le film se penche sur les rapports de classe : Les Lelièvre, famille bourgeoise résidant dans un somptueux domaine des environs de Saint-Malo prennent pour domestique la jeune Sophie (Sandrine Bonnaire). Le couple et leur fille se veulent accueillants mais la condescendance affleure dans leur attitude. Sophie de son côté est peu expansive, elle se refuse aux autres, se renferme sur elle-même. Rapidement, son handicap, qu’elle tente désespérément de cacher à ses employeurs apparait : elle est analphabète.


Peu à peu, elle se rapproche de la postière du village (Isabelle Huppert), femme pleine de rancœur, consciente d’être ravalée à une condition inférieure, bouillonnante d’envie. En fait le personnage typique joué par Isabelle Huppert : une femme intelligente mais en marge, extrême et en cela au bord du précipice.


Cette amitié naissante encourage les deux femmes à se confier : leur passé trouble remonte à la surface. Consciemment ou non, elles relèvent les injustices qui ont pu les frapper, elles échafaudent les causes et les responsabilités d’autrui. Elles construisent pierre après pierre la haine à l’encontre de ceux qui sont socialement au-dessus d’elles.


Tous les ingrédients de l’opposition de classe sont présents : dans les lieux d’abord, pensons au long corridor qui sépare l’espace des maîtres et celui des domestiques. L’opposition entre le grand salon où les Lelièvre , mélomanes avertis, savourent de l’opéra et la chambre de bonne sous les combles, l’espace de la télévision. Des attitudes aussi : la table du repas familial autour duquel Sophie s’affaire pour le service, ignorée par les conversations de ses maîtres.


Chabrol, électron libre de la nouvelle vague, accorde beaucoup de place au mouvement : il suit les deux jeunes femmes dans leur cavalcade meurtrière, que ce soit en voiture ou dans des scènes de folie en intérieur. Mais l’univers de Chabrol, c’est aussi le regard des acteurs : le visage fermé de Sandrine Bonnaire, qui économe de paroles, traduit tous les sentiments allant de la timidité à la peur puis à la colère froide (le réalisateur avait repéré son extraordinaire performance dans Sans toit ni loi d’Agnès Varda). A l’opposé, l’exubérance d’Isabelle Huppert crève l’écran : elle occupe l’espace tout en réservant une place nécessaire à sa comparse.


La montée en puissance de la tension est saisissante. Un drame à voir ou à revoir pour la qualité de la réalisation et le jeu des acteurs.




There’s nothing better than a Chabrol to spend an enjoyable evening. After all, there are so many to choose from. From his first steps as a director in 1958 to his death in 2010, Claude Chabrol produced a new film almost every year, predominantly thrillers and political dramas. Despite this, he was never short of inspiration, and was accompanied by formidable actors and actresses (Stéphane Audran and Isabelle Huppert, most notably). For many, his greatest achievement was La cérémonie, released in 1995.


This adaptation of Ruth Rendell’s novel deals with the issue of social class. The Lelievres, an upper-class family living in a magnificent mansion, hire a maid, Sophie (Sandrine Bonnaire). Despite the couple and their daughters' attempts to be welcoming and polite, their attitudes fail to hide their inherent condescendence towards Sophie, who is reserved and discreet. The family quickly discovers her illiteracy, a handicap which she had tried desperately to hide.


Sophie gradually develops a close friendship with the villages’ postwoman, a vengeful woman who is painfully aware of her inferiority. In fact, she is the type of character which Isabelle Huppert is typically cast as, an intelligent yet marginalized woman, whose extreme and rash personality often leads to her downfall.


This blooming friendship encourages the young women to confide in one another, and they reveal their troubled pasts and the injustices they have endured. This eventually triggers the build-up of an unconscious hatred of those superior to them, leading to the thriller’s infamous finale. A captivating and powerful tension rises throughout the movie, which is worth watching again and again due to the quality of both Chabrol and the actors' work.


© Article par Catherine Guiat

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