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Edouard Vuillard, le peintre casanier par excellence

Je me rappelle avoir fait un exposé sur Le salon aux trois lampes, rue saint florentin (1899, Musée d’Orsay) d’Edouard Vuillard avec une amie lors de mes années d’études à la Sorbonne. Aujourd’hui, en ce jour de confinement, je vous invite à méditer sur la vision domestique et paisible de cet artiste casanier, dont les musées édimbourgeois exposent certains tableaux.


Que ce soit son cercle mondain d’artistes et d’intellectuels ou son univers familial avec sa mère et sa soeur avec lesquelles il a vécu, l’environnement proche de Vuillard rejoint ses oeuvres. Il les peint souvent immergées dans leurs activités du quotidien. Cela fait de lui l’artiste par excellence de l’espace intérieur bourgeois de la poésie mallarméenne. En l’occurrence, dans La Causette de 1893 (National Galleries of Scotland, actuellement dans les réserves) on observe la mère et la soeur de l’artiste discuter lors du mariage de cette dernière.


L’art de Vuillard révèle des théories esthétiques du groupe des peintres « nabis » (prophète en hébreu) qui, sous l’influence de Paul Gauguin, ont rompu avec l’imitation stricte de la nature en faveur des sensations reçues. Les nabis voyaient la toile comme une surface autonome. Malgré sa vie sociale très active, Vuillard cultive une sensibilité introspective au fur et à mesure qu’il s’éloigne du nabisme vers une évolution isolée. Ainsi, la touche fragmentaire héritée de l’impressionnisme de Monet et de Renoir s’affirme dans La Chambre rose (c.1910, huile sur toile, National Galleries, Édimbourg, Écosse). Cette peinture nous frappe par une couleur rose pâle qui domine la surface de la toile. Une lumière blanche dentelée pénètre par la fenêtre et illumine cet espace intérieur aux couleurs pastel où chaque objet scintille. Vuillard emploie une technique particulière de peinture à la colle sur papier marouflé sur toile, et laisse des espaces vides dans sa peinture. Ainsi, la porte à droite laisse ressortir les diverses textures de cette chambre harmonieusement décorée, telles que le papier peint, le tapis ou encore les fleurs posées sur la table couverte d’une étoffe. Dans ce foisonnement de milles fragments étincelants, l'enfant s’intègre parfaitement au mobilier. On pourrait croire qu’ils sont fait de la même essence. La qualité décorative quelque peu irréelle favorise l’état d’âme que cette toile suggère : on se sent rassuré et à l’aise, comme faisant partie de cet espace intime.


Passer autant de temps chez soi affecte notre perception. En effet, même le temps qui passe semble suivre une courbe étrange. Les distances s’effacent et la perspective se rabat. Pourtant, cet état domestique ne s’avère point étouffant chez Vuillard. Plus que la révolution picturale, c’est la magie du quotidien dans sa tendresse qu’il semble retranscrire.


Pour aller plus loin, je vous conseillerais de consulter le catalogue d’exposition monographique d’Édouard Vuillard par Guy Cogeval (catal. expos., Réunion des musées nationaux, Paris, 2003 ; Vuillard, le temps détourné, Gallimard, Paris, 2003).


Bibliographie

  • Georgel, Pierre. « VUILLARD ÉDOUARD - (1868-1940) », Encyclopædia Universalis

  • Lemoine, Serge. 2010. L’art moderne et contemporain: peinture, sculpture, photographie, graphisme, nouveaux médias. Paris: Larousse.

  • Terrasse, Antoine. « NABIS », Encyclopædia Universalis


I remember making a presentation on Edouard Vuillard's “Interior with Three Lamps, rue Saint-Florentin"(1899, Musée d'Orsay) with a friend during my years at the Sorbonne. Today, in lockdown, I invite you to contemplate the peaceful vision of domestic life by this homebody artist, some of whose paintings are displayed in the museums of Edinburgh.


Whether it was his social circle of artists and intellectuals or his mother and sister with whom he lived, Vuillard’s close circle became his favourite subject matter. He often depicted them submerged in their daily activities. This made him the great artist of the bourgeois interior space cherished by the poet Mallarmé. For instance, in “The Chat” of 1893 (National Galleries of Scotland, currently on reserve), the artist's mother and sister are chatting about the latter's marriage.


Vuillard's art reveals the aesthetic theories of the "nabi" (prophet in Hebrew) group who, under the influence of Paul Gauguin, turned away from realism to promote sensations. The nabis saw the canvas as an autonomous flat surface. Despite his very active social life, Vuillard cultivated an introspective sensitivity as he moved away from Nabism. His style therefore evolved in a more isolated way. Thus, the fragmentary touch he inherits from the impressionism of Monet and Renoir becomes more prominent in The Pink Bedroom (c.1910, oil on canvas, National Galleries, Edinburgh, Scotland). This painting strikes us with a pale pink colour dominating the whole composition. A white light enters the window and illuminates this interior space in pastel colours where each object sparkles within a lace-like texture. Vuillard used a special technique of painting with glue on paper mounted on canvas, and had a habit of leaving some areas empty. The door on the right hand side left unpainted brings out the various textures of this harmoniously decorated room, such as the wallpaper, the carpet or the flowers placed on the table covered with a fabric. In this profusion of thousand sparkling fragments, the child melts into the furniture as if they were of the same essence. The decorative quality of the painting dematerialises the subject-matter while emphasising on the cosy mood that the whole suggests.


Spending so much time at home distorts perception: the distances are gone and the perspective flattened. Even time feels different. However, this domestic environment is never suffocating in Vuillard’s canvases. More than the pictorial revolution, it is the tender magic of everyday life, for which he sought.


To go further in understanding Vuillard, I would advise consulting the catalog of his monographic exhibition by Guy Cogeval (exhibition catalog, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 2003; Vuillard, Le temps détourné, Gallimard, Paris, 2003).


© Article by Faika Cansin Stewart

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