2020, année de la BD
Voici un album que j’avais placé sur ma liste de lectures depuis longtemps. Le confinement aidant, j’ai enfin pris le temps de m’y plonger. Cette BD est absolument magnifique, un véritable travail d’artiste.
Magnifique mais exigeante ;en raison du sujet principalement. Les auteurs s’attardent ici sur un épisode de la vie d’Antonin Artaud, son voyage au Mexique en 1936. Antonin Artaud, poète, essayiste, homme de théâtre et de cinéma apparaît souvent comme un auteur maudit. Il est vrai que l’homme inquiète, par ses addictions à différentes drogues qu’il consomme pour soigner maux de tête et dépression ; par ses difficultés relationnelles aussi qui ont marqué sa vie. A son retour en France, les traitements aux électrochocs imposés par la faculté le laisseront anéanti. Cela n’enlève pas l’intérêt pour une pensée originale débutée avec le surréalisme, porte du rêve. En 1936, Artaud est à la croisée des chemins. La vieille Europe ne peut plus rien apporter à la réflexion littéraire. Les mouvements auxquels il a adhéré sont devenus des carcans. L’émergence du communisme ne lui paraît guère convaincante. Il souhaite donc se rapprocher des hommes du nouveau monde aux coutumes ancestrales. C’est la raison de ce voyage au Mexique qui le conduira au cœur des montagnes, chez les indiens Tarahumaras. Ici, il aurait été initié à la consommation du peyotl, ce puissant hallucinogène, au cours de danses traditionnelles. Son récit de voyage ne paraît qu’en 1945, alors qu’il était déjà interné à l’asile. En fait, nul ne sait s’il a réellement effectué ce périple tant cette tribu indienne paraissait inaccessible.
L’entente entre les deux auteurs est parfaite. Les dialogues très sobres de Maximilien Le Roy s’imbriquent dans le magnifique travail d’illustration de Zéphir, aux tons sombres, éclairés de rouge orangé. Les atouts de la bande dessinée sont pleinement utilisés pour décrire un homme seul, amoindri, qui se cherche lui-même, qui tente d’approcher l’essence de la vie en une quête désespérée. La fragilité du poète et ses désordres mentaux affleurent constamment page après page en raison de l’âpreté du dessin. Le lecteur ne peut pas être insensible à sa douleur. Encore une fois, bien que le texte soit bref, c’est un album qui réclame une lecture très attentive pour saisir toutes les facettes du personnage et de son itinéraire.
L’esprit rouge is a beautiful graphic novel about a part of Antonin Artaud’s life: a journey in Mexico in 1936. Antonin Artaud is well known for being “poète maudit”, suffering from depression and addicted to different drugs. Before the Second World War, he decided to go to Mexico to meet the ancestral civilizations of the central mountains of this country. He feels that this is the only way to widen his literary research. The authors describe perfectly Antonin Artaud’s vulnerability through this long journey. The sober script of Maximilien Le Roy is a great support to the fantastic artwork of Zéphir.
© Article par Catherine Guiat