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Simone Schwarz-Bart et Yann Plougastel, Nous n’avons pas vu passer les jours

En cette période troublée, je suis plus que jamais à la recherche de beaux portraits, de ces personnages qui inspirent et élèvent l’esprit. Me voici comblée par ce très beau récit biographique de Simone Schwarz-Bart et Yann Plougastel , Nous n’avons pas vu passer les jours (Grasset, 2019).


C’est en effet l’histoire de ce couple étonnant : André Schwarz-Bart, Juif d’origine polonaise, ancien résistant, qui a perdu ses parents et deux frères à Auschwitz et Simone Brumant, jeune Guadeloupéenne venue étudier à Paris. Une invitation à la sortie du métro, une discussion à bâtons rompus dans un café voisin seront le prélude à 50 ans de vie commune et une remarquable communion intellectuelle.


André Schwarz-Bart était un parfait inconnu lorsqu’il reçut le prix Goncourt en 1959 pour Le dernier des Justes. Ce livre magnifique renferme toute la douleur de son auteur. Un travail de mémoire nécessaire pour ce jeune ouvrier qui a entrepris des études littéraires et de philosophie pour pouvoir exprimer cette profonde blessure à travers l’écriture. Le dernier des Justes, c’est l’effort de recueillir le peuple juif exterminé. C’est pour les vivants, accompagner ceux qui ne sont pas revenus. A l’époque, bon nombre ne s’y sont pas trompés. Ainsi Françoise Giroud s’exprimant dans l’Express : « La confrontation avec l’univers de Schwarz-Bart est dure, et il ne faut pas compter sur lui pour en adoucir l’accès. Le dernier des Justes n’est pas un monument de la littérature, c’est une épée qu’on vous enfonce délicatement dans le ventre ». Ce roman aborde aussi le thème de la vie après l’innommable qui affleure constamment chez cet homme désemparé. Encensé par certains mais incompris par d’autres, le roman se trouvera au centre d’une polémique à l’origine du retrait de la vie publique de son auteur.


De son côté, c’est la période de l’esclavage aux Antilles qui alimente la réflexion de Simone : Comment la société de plantation a modelé les hommes et la cruauté du déracinement qu’elle implique. L’impossibilité pour beaucoup de revenir sur leurs origines familiales car en arrivant chez son maître, l’esclave perdait son nom et toute trace de son passé. La question de la langue est aussi très présente : comment exprimer en français ce qui a été vécu en créole sans trahir le propos. Comment transposer à l’écrit ce monde de l’oralité : « Nous sommes une civilisation du verbe : «L’homme qui sait parler vous emmène où il veut » dit le proverbe. » Autant de questions qui sous-tendent une œuvre riche et composite ( En particulier Pluie et vent sur Télumée Miracle, « Un chef-d’œuvre inépuisé et inépuisable » dira Patrick Chamoiseau).


Ce récit très touchant éclaire deux destins qui se croisent et qui essaient de mettre à jour l’indicible. Deux œuvres qui se mêlent et témoignent des peuples opprimés dans des univers concentrationnaires.




In these troubling times, I have been searching more than ever for inspiring people, and have been delighted by “Nous n’avons pas vu passer les jours”, a beautifully written biography by Simone Schwarz-Bart and Yann Plougastel.


The memoir tells the story of this indeed very surprising couple; André Schwarz-Bart, a Jew originating from Poland, ex-member of the French Resistance, whose parents and two brothers were killed in Auschwitz; and Simone Brumant, a Guadeloupean student living in Paris. André Schwarz-Bart was completely unknown by the public when he received the “Prix Goncourt” in 1959 for his book “Le dernier des Justes”, a magnificent novel which truly captures its authors' misery, by exploring the idea of life after the horror of the Holocaust (among other themes), leaving the author lost and struggling to process this crime against humanity.


Simone, however, discusses the period of slavery in the Antilles, and how society on plantations shaped humans and the cruelty of uprooting the lives of groups of individuals this incited. Simone also mentions the impossibility to return to one's family, as the enslaved people were stripped of their names and all aspects of their past upon arriving at their masters' residence.


This touching memoir shines a light upon two very different individuals attempting to convey the unimaginable, whose two pieces are linked together by their accounts of oppression.



© Article par Catherine Guiat

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