top of page

Petits bonheurs et grosses galères des jeunes écrivains

Oscar Coop-Phane, Morceaux cassés d’une chose, Grasset, 2020

Julia Kerninon, Une activité respectable, Le Rouergue, 2017

Voici deux courtes autobiographies d’auteurs trentenaires. C’est curieux d’écrire son autobiographie à 30 ans. Et pourtant, ces deux jeunes romanciers semblent avoir déjà vécu une épopée. Leur point commun : l’envie de lire, l’envie d’écrire avant toute chose, contre vents et marées. L’envie d’y consacrer sa vie même si parfois on ne peut pas en vivre.


Two short autobiographies by authors in their thirties. Although it may seem strange to write an autobiography at such a young age, these two novelists seem to have lived through some very interesting experiences already. They are united by the same passion for reading and writing, and the desire to devote their lives to it.


© Oscar Coop-Phane / Photo crédit Jean-François Paga / Grasset


Le premier Oscar Coop-Phane, ne nous épargne pas son mal de vivre ou sa rage de vivre à coup de substances prohibées et d’alcool. Des relations familiales chaotiques le conduisent à s’installer seul dans une chambre de bonne à Paris dès l’âge de 16 ans. Un itinéraire heurté : des études brillamment commencées mais interrompues trop tôt, une année passée dans les bas-fonds de Berlin, des déménagements successifs chez tel ami ou connaissance. Partout le suivent un crayon et des feuillets pour noter aphorismes et pensées fortes, ainsi que quelques cravates désuètes pour le style. Beaucoup de journées passées dans les cafés de la capitale à l’instar du couple mythique Sartre/Beauvoir…et l’immense joie d’être publié à l’âge de 23 ans pour la première fois.


Malgré la consécration, la vie est rude : il faut accepter l’incrédulité de l’entourage ou son soutien désabusé : « Vu ce qui sort comme nullités chaque jour, je ne vois pas pourquoi tu ne serais pas publié. » lui dira sa mère. La vie matérielle faite de repas qui ne sont pas des repas est pour le moins ascétique. Et puis, 8 ans comme serveur dans un café de la rue Oberkampf, ça vous façonne un homme.


Soudain la chance lui sourit sous la forme d’une résidence d’écrivain d’un an à la villa Médicis à Rome. Un lieu enchanteur, des émoluments royaux et pour finir le revers de fortune : « J’étais à Rome payé plus de 4000 euros par mois. A mon retour, un accident de voiture, une couronne dentaire, un dégât des eaux, un déménagement plus tard et j’étais fauché à nouveau. » Hélas…


Mais finalement, c’est le bonheur lorsque le partage avec les lecteurs l’emporte sur tous les aléas.


Oscar Coup-Phane’s chaotic relationship with his family drove him to live alone in a small apartment in Paris, when he was only 16. His entire life was uprooted. He left University despite being a brilliant student, and stayed at countless friends and acquaintances houses for years, until his first book was published when he was 23. Despite this success, life remains difficult for Oscar; he struggles to accept the scepticism of those around him, and their disillusioned support. He finally gets the opportunity to spend one year in the Medicis villa in Rome, however his luck runs out again upon his return to France. Nevertheless, his passion for his work and admiration from his readers is enough to fuel his determination.



© Julia Kerninon / Photo crédit Vincent Fribault


Le parcours de Julia Kerninon diffère sensiblement au départ. Très jeune, ses parents lui ont transmis l’amour des livres. Peu avant son entrée à l’école primaire, sa mère lui aménage une petite chambre sous les toits dans leur nouvelle maison, tapissant un mur entier de livres. C’est la transmission d’un héritage pour cette femme qui doit à la lecture de ne pas avoir sombré pendant ses difficiles années d’enfance. Répondant à cet amour, Julia dévorera tous les volumes de son imposante bibliothèque. Très jeune aussi, elle reçoit en cadeau une machine à écrire, objet anachronique qui l’entraine insidieusement dans le monde de l’écriture.


Mais pourquoi écrire ? Ici encore l’expérience de la mère est riche d’enseignements. Ecrire, c’est un moyen d’appréhender notre environnement : la lecture « nous livrait le monde entier, le monde accéléré, perfectionné, lavé de ses scories, sans temps morts, un cours d’eau pur et bondissant, un monde dans lequel nous pouvions nous échapper chaque fois que le monde réel cessait d’être intéressant. »


L’écriture est une activité exigeante. Alors étudiante, Julia Kerninon décide de prendre une année sabbatique à Budapest, seule dans un immense appartement, pour se consacrer à l’écriture. Un investissement total, sans rencontres, sans coups de téléphone. Son seul lien avec l’extérieur sera une visite hebdomadaire à l’Institut français pour s’abreuver de littérature.


Outre les emplois saisonniers harassants pour assurer le minimum vital, Julia Kerninon s’interroge sur le statut de l’écrivain, son état d’esprit dans une société livrée au consumérisme. Ecrire, c’est accepter de mener une vie étrange, à bien des égards, déroutante, à contre-courant des aspirations de beaucoup. En bref, à rebrousse-poil de » la vie normale ». A ce sujet, Julia Kerninon cite l’écrivain Michel Butel, auteur de cette émouvante remarque : « Enfant, je ne parlais à personne. Je n’écoutais personne, je lisais, je lisais la nuit, le jour…Je n’étudiais pas, je ne voulais donc pas d’un métier. Je ne connaissais rien de ces histoires, les métiers, les études, les rémunérations, les emplois du temps, la vie normale ; je ne voyais pas qu’il y avait une vie normale. Pourtant elle était autour de moi. Elle s’en prenait à ma vie anormale… » On ne peut plus explicite.


Julia Kerninon’s journey seems to differ greatly. Her parents passed on their love for books to her at a very young age. It was around this time that she received a type-writer as a gift, sparking her love for writing. Writing proved to be a very demanding task, so Julia took a sabbatical year as a student to travel to Budapest. This allowed her to fully devote herself to her art, as she isolated herself from the outside world which was full of distractions. The only exceptions to her policy were her weekly outings to the French Institute. Kerninon questioned her status as a writer. She believes that in order to be an author you must accept that your life will go against normality, and that you must be willing to expose yourself to the many people who will doubt your talents and aspirations.



Pour finir sur une note optimiste, Oscar Coop-Phane a maintenant publié 6 romans et a intégré la prestigieuse maison d’édition Grasset. Régulièrement invité à des rencontres littéraires, il est intervenu au Festival International du livre d’Edimbourg en 2015. Julia Kerninon est publiée aux Editions du Rouergue. Elle a été récompensée par plusieurs prix littéraires. Son dernier roman, Ma dévotion, paru en 2018, a été très remarqué.


To conclude, in a more optimistic way; Oscar Coup-Phane has published 6 novels under the prestigious publishing house Grasset. He is regularly invited to literary events, including his talk at the Edinburgh book festival in 2015. Julia Kerninon’s novels are published by Le Rouergue, and she has received several prizes for her work. Her latest novel; Ma dévotion, published in 2018, has been very successful.


© Article par Catherine Guiat

19 vues0 commentaire
bottom of page