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Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard


© Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard (Editions de minuit, 2020) © Photo Jean-Luc Bertini


Personnellement, j’aime beaucoup les romans des éditions de Minuit en général ; ceux de Jean Echenoz en particulier. Chaque sortie d’un de ses livres est un évènement et comme il a déjà remporté la plupart des prix littéraires, dont le prestigieux Goncourt (pour Je m’en vais, 1999), nul n’est besoin d’attendre une quelconque rentrée littéraire pour savourer ce moment de plaisir. Le dernier en date, Vie de Gérard Fulmard, ne m’a pas décu. Avec un humour jubilatoire, Jean Echenoz nous entraine dans les déambulations incessantes de son héros, ou plutôt anti-héros, Gérard Fulmard. Celui-ci, solitaire et désoeuvré, se trouve propulsé bien malgré lui au centre d’une machination politico-criminelle dans ce qui ressemble à un pastiche de roman noir.


Fidèle à sa réputation d’écrivain-géographe, Echenoz s’attarde beaucoup sur les lieux. Il a d’ailleurs lui-même précisé qu’il avait écrit ce livre parce qu’il voulait découvrir le XVIème arrondissement de Paris qu’il connaissait peu : « On n’imagine pas comme il peut y avoir des résidences à ce point chic dans le coin. ». Et bien sûr, si on pense à Paris, on pense à la Seine : « …verticalement délimité par le ruban gris fer du pont de Bir-Hakeim et celui bistre et blanc du pont de Grenelle, horizontalement par les cordons de quais liserés d’immeubles beiges à moulures et corniches, constructions galonnées de feuillus roussâtres, le foulard brun de la Seine s’écoule immobilement, divisé en deux pans que passemente le fil gris de l’île aux Cygnes, là-dessus la tour Nelson et ses voisines couchent de longs rectangles d’ombre. » Pas mal, non, cette description du quartier de Grenelle !!! Mais nous n’en resterons pas là ; les personnages d’Echenoz ayant du mal à rester en place, on n’évitera pas une petite escapade au bout du monde vers la fin du roman.


C’est en effet une autre caractéristique des personnages échenoziens : Ils sont toujours en mouvement et l’auteur semble accompagner ce mouvement, caméra sur l’épaule. C’est véritablement une écriture cinématographique qui nous entraine inlassablement d’une scène à l’autre. Parfois, la caméra se pose et nous nous concentrons sur un portrait, un visage : « Rassurante autant que majestueuse, non moins autoritaire que bienveillante, la moustache de Franck Terrail ne relève pas de l’assertorique mais de l’apodictique : on ne se demande pas pourquoi il l’a laissée pousser, on ne peut simplement pas l’imaginer sans elle qu’il est en train de lisser du bout des doigts… ».


C’est enfin, manifestement, l’écriture d’un amoureux du langage dans la droite ligne de Raymond Queneau et ses Exercices de style.



I really like novels published by the Éditions de Minuit, especially those written by Jean Echenoz. Each new book’s release comes under a lot of scrutiny: Echenoz has won numerous literary prizes, including the prestigious Goncourt for Je m’en vais in 1999. His latest work, Vie de Gérard Fulmard, certainly did not disappoint me.


With an upbeat sense of humour, Jean Echenoz takes us along his (anti)hero’s journey, Gérard Fulmard. A desperate lone wolf, Fulmard ends up at the heart of a political-criminal plot that resembles the noir genre. Sticking to his reputation of ‘writer-geographer’, Echenoz puts a lot of emphasis on places. He said he wanted to write this book to discover Paris’s 16th arrondissement, with which he was not very familiar: “One cannot realise how many chic residences there can be in that neighbourhood”. In this Parisian setting, Echenoz includes of course the river Seine:

« …verticalement délimité par le ruban gris fer du pont de Bir-Hakeim et celui bistre et blanc du pont de Grenelle, horizontalement par les cordons de quais liserés d’immeubles beiges à moulures et corniches, constructions galonnées de feuillus roussâtres, le foulard brun de la Seine s’écoule immobilement, divisé en deux pans que passemente le fil gris de l’île aux Cygnes, là-dessus la tour Nelson et ses voisines couchent de longs rectangles d’ombre. »


A lovely description of the Grenelle neighbourhood. The book will take us much further away than Paris, as Echenoz’s characters are anything but sedentary.


This is indeed one of their main traits: they are always in motion, and the author seems to be following them right from behind, with a camera always focused on them. The style is close to being cinematographic at times, paying very close attention to physical details, such as this description of someone’s face and moustache:


« Rassurante autant que majestueuse, non moins autoritaire que bienveillante, la moustache de Franck Terrail ne relève pas de l’assertorique mais de l’apodictique : on ne se demande pas pourquoi il l’a laissée pousser, on ne peut simplement pas l’imaginer sans elle qu’il est en train de lisser du bout des doigts… ».


This work is most definitely that of someone in love with his language, following in many ways the footsteps of Raymond Queneau and his Exercises in style.


© Article par Catherine Guiat. Traduction Dr Jordan Girardin.

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