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BD : Nadia Nakhlé, Les oiseaux ne se retournent pas

Nadia Nakhlé, Les oiseaux ne se retournent pas, Delcourt, 2020


Parmi les nouvelles acquisitions de la bibliothèque de l’Institut français d’Ecosse, je souhaiterais mentionner un magnifique volume dont on a peut-être moins parlé dans la presse : Les oiseaux ne se retournent pas de Nadia Nakhlé, paru dans la très belle collection Mirages de chez Delcourt.


Un récit très grave sur l’exil, comment survivre et se reconstruire. Amel, adolescente de 12 ans doit quitter son pays (la Syrie ?). Ses grands-parents, rescapés des bombardements, effrayés par l’insécurité permanente ont négocié son départ avec une autre famille. « Tu dois vivre » l’exhorte son grand-père au moment des adieux. Un dernier regard sur le portrait de sa mère, la réminiscence d’un idéal de vie qu’elle devra méditer: « On peut tout te prendre, mais pas tes rêves. Avec eux tu iras loin. »


Très vite, la jeune fille fait l’expérience de la solitude parmi les visages de pierre des exilés, froids et sans expression. Elle doit affronter les exactions des passeurs tout comme les périls de la traversée en mer. Le périple aurait certainement tourné court sans quelques rencontres déterminantes : Aïda la poétesse, fuyant la dictature et le fondamentalisme religieux, destructeurs de toute pensée individuelle. Bacem, enrôlé dans l’armée, qui épouvanté par tant d’horreurs décide de s’enfuir, son oud sur l’épaule:


« Je n’ai pas le cœur d’un héros sanguinaire, et encore moins celui d’un martyr de guerre.

Mon oud, mon âme et moi, nous ne suivrons plus l’horrible pas.

Nous vibrerons loin des canons. »


Il s’agit finalement d’un parcours initiatique que l’autrice rapproche de celui du Langage des oiseaux du grand poète persan du XIIème siècle, Farîd-ud-Dîn ‘attar. Menés par la huppe, messagère de l’amour dans le Coran, les oiseaux s’élancent, sans se retourner, à la recherche de l’oiseau-roi Simorg. Un périlleux voyage au cours duquel ils devront affronter mille dangers avant d’atteindre la révélation : Simorg n’est autre que leur âme, enfouie au plus profond d’eux-mêmes, qu’ils apprennent enfin à connaître.


Cet hommage à la poésie, source de vie et d’indépendance d’esprit, est soutenu par les très belles illustrations de Nadia Nakhlé. A la noirceur de la guerre, de la violence et de la tristesse, s’opposent quelques messages de couleur : le cerf-volant rouge d’Amel poursuivant sa course parmi les bombes, le foulard à motifs de sa mère qui l’accompagne dans ses pensées, son sac à dos jaune, unique et frêle bagage, perdu en cours de route. Et surtout, ce sont les oiseaux, évoluant sur des arabesques de végétation qui portent Amel lorsque le découragement s’abat sur elle. Une présence parfois réduite à une minuscule plume bleue, mais au combien nécessaire.


« Les oiseaux

ne se retournent pas.

Ils partent.

Exilés au cœur léger,

Ames vagabondes,

Qui filent à travers les ombres.

Ils partent. »


Nadia Nakhlé a reçu, entre autres, le soutien du CNC (Centre national du cinéma), de l’Institut français de Meknès au Maroc et d’Amnesty International pour organiser une exposition concert autour de son roman graphique. Ce projet est dédié à tous les enfants en exil, sachant que parmi les réfugiés, un quart sont des mineurs et bon nombre ont perdu leur famille.




I would like to talk about a magnificent volume among the new acquisitions of the library: ‘Les oiseaux ne se retournent pas’ by Nadia Nakhlé (from the very beautiful collection ‘Mirages’ from Delcourt).


A serious story about exile and how to survive and rebuild. Amel, a 12-year-old girl, has to leave her country (Syria?). Her grandparents, survivors of the bombings and afraid of the permanent insecurity, negotiated her departure with another family. "You must live" urges her grandfather when it is time to say goodbye. One last look at her mother's portrait, the reminiscence of an ideal life that she will have to ponder: "We can take everything from you, but not your dreams. With them, you will go far.”


Very quickly, the young girl experiences loneliness among the stone faces of the exiles, cold and expressionless. She must face the exactions of the smugglers as well as the perils of the sea crossing. The journey would probably have ended shortly without a few decisive encounters: Aïda the poet, fleeing dictatorship and religious fundamentalism, destroyers of all individual thought; Bacem, enrolled in the army, who terrified by so many horrors decided to flee, his oud on his shoulder:


"I do not have the heart of a bloodthirsty hero, let alone that of a martyr of war.

My oud, my soul and I, no longer follow the horrible.

We will vibrate far away from the cannons. "


It is ultimately an initiatory journey that the author compares to that of the ‘Langage des oiseaux’ of the great 12th-century Persian poet, Farîd-ud-Dîn ‘attar. Led by the hoopoe, messenger of love in the Koran, the birds soar, without looking back, searching for the bird-king Simorg. A dangerous journey in which they will have to face a thousand dangers before reaching revelation: Simorg is none other than their soul, buried deep within themselves, which they finally come to know.


This tribute to poetry, source of life and independence of mind, is highlighted by the beautiful illustrations of Nadia Nakhlé. To the darkness of war, violence, and sadness, is opposed a few coloured touches: Amel's red kite continuing its course among the bombs, the patterned scarf of her mother who accompanies her in her thoughts, her yellow backpack, unique and frail baggage lost along the way. Above all, it is the birds that carry Amel when discouragement descends on her. A presence sometimes reduced to a tiny blue feather, but how essential.


"The birds

Do not turn around.

They leave.

Light-hearted exiles,

Wandering souls,

Slipping into the shadows.

They leave. "


Nadia Nakhlé received, among others, the support of the CNC (National Cinema Center), the French Institute of Meknes in Morocco, and Amnesty International to organise a concert exhibition around her graphic novel. This project is dedicated to all children in exile (knowing that among the refugees, at least a quarter of them are young minors who have lost their families).



© Article par Catherine Guiat

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